Durant 25 années de sa vie, Stendhal a écrit pages après pages et jour après jour l'histoire de son évasion. Evasion d'autant plus nécessaire qu'il ne se supportait en rien, pas plus qu'il ne supportait le contexte de sa vie. Il ne s'aimait pas dans tout son physique, il ne s'aimait pas dans toute sa pensée, il ne s'aimait pas dans toute sa morale, il ne s'aimait pas dans sa société. Société qu'il n'aimait pas tout autant si ce n'est plus, il détestait son époque, son siècle, les gens autour de lui.
Les milliers de pages de son journal sont donc le résultat de cette détestation globale, cette nécessité de s'évader de ce quotidien qu'il haïssait à ce plus haut point. Décrivant sa vie idéale à travers le miroir de ses illusions. Ses désirs sont racontés, ses rêves amplifiés, ses turpitudes chassés et les méandres oubliés. Pour se faire il se multiplie, il est lui mais il est aussi plein d'autres.
Une identité pour se plaire dans ce rôle, une autre pour être ce personnages qu'il désire et encore un autre pour incarner celui qu'il aurait tant aimé être. Une farandole de personnages se dessine et s'embrasse sous cette écriture viscérale et si douce.
Et il se lâche dans son écriture d'autant plus facilement qu'au départ ce journal ne devait pas être publié.
... que voulez-vous? - - Etre employé d'une manière active. - - Mais quoi de plus actif qu'une intendance?
Journal, 6 juin 1813
Avoir toujours devant les yeux cette grande vérité, que le succès est pour qui fait rire.
Journal, 2 mai 1805
Ce jargon de politesse doucereuse, pateline, et évidemment affectée qui caractérise nos gens de lettres.
Journal, 1813
Chaleur sans ombre aucune et brûlante dans le bateau, à midi. Sur les bords, petits vilains rochers pelés ... Moeurs batelières cherchant le bonheur présent, et par là se rapprochant des moeurs militaires.
Journal, 28 juillet 1805
Dans l'excès du bonheur lire est bien difficile, cependant on s'ennuie à la longue si l'on ne lit pas.
Journal, 1 août 1830
Il est difficile de ne pas s'exagérer le bonheur dont on ne jouit pas.
Journal, 11 mars 1806
.Il faut ... bien se garder de laisser apercevoir sa méfiance.
Journal
Il faut donc se forcer à travailler tous les jours.
Journal
Il n'y a qu'une loi en sentiment. C'est de faire le bonheur de ce qu'on aime.
Journal, 19 juin 1805
Il y a égalité dans la conversation quand chacun à son tour voit qu'il attire de manière égale et favorable l'attention des autres.
Journal, 1 juillet 1813
Mon admiration pour Shakespeare croît tous les jours. Cet homme n'ennuie jamais et est la plus parfaite image de la nature, c'est le manuel qui me convient.
Journal
Mon manque de mémoire pour ce qui est l'histoire, et n'intéresse pas mon objet, est incroyable, presque alarmant. Je puis lire le même livre d'histoire tous les deux ans, avec le même plaisir.
Journal, 24 septembre 1813
Montaigne doutant des dogmes de la sottise ancienne, voilà un grand mérite; il a entrevu quelques petites choses; enfin, son charmant style sans lequel personne ne parlerait de lui.
Journal, septembre 1834
Non, l'amour est une fièvre heureuse. Rien ne reste quand il est passé ...
Journal, 15 septembre 1813
Journal, 18 juin 1815
Outre une trentaine de grands peintres, il faut considérer que les médiocres ont copié. - De là le grand nombre de tableaux agréables à regarder.
Journal, 5 décembre 1830
Pour connaître l'homme, il suffit de s'étudier soi-même; pour connaître les hommes, il faut les pratiquer. - Je connais très peu les hommes. Mes études ont été sur l'homme.
Journal, 1810
Quand tu t'imposes le silence, tu trouves des pensées; quand tu te fais une loi de parler, tu ne trouves rien à dire.
Journal, 19 juin 1805
Rien de si aisé que d'être bien avec un homme qu'on ne voit qu'une fois par mois.
Journal, 19 avril 1804
Se faire chaque soir cette question: «Ai-je assez ménagé la vanité de ceux avec qui j'ai vécu aujourd'hui?»
Journal, 8 juillet 1804
Ta véritable passion est celle de connaître et d'éprouver. Elle n'a jamais été satisfaite.
Journal
Toutes nos erreurs viennent de nos souvenirs. C'est donc un immense avantage d'avoir une bonne mémoire.
Journal, 10 décembre 1805
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