Alain- Emile-Auguste Chartier Philosophe et journaliste français1868 – 1951
Jamais un orateur n'a pensé en parlant; jamais un auditeur n'a pensé en écoutant.
Je définis le bourgeois comme un homme qui profite des résultats sans penser au travail.
Je donnerais comme règle d'hygiène: «N'aie jamais deux fois la même pensée.»
Je hais sottise encore plus que méchanceté; mais réellement je ne crois ni à l'une ni à l'autre.
Je me défie de la prose qui dit des choses vraies. Il n'est pas difficile de dire des vérités; il s'ouvre un désert de vérités.
Je ne me suis proposé rien d'autre que de savoir ce que je disais quand je parlais comme tout le monde.
Je ne sais ce que c'est que vouloir sans faire.
Je pense à tant de conciliateurs qui appliquaient une pauvre méthode trop connue: «Retenons ce qui nous unit; oublions ce qui nous divise».
Je pense souvent que la lutte anticléricale a mal visé. On a réfuté des légendes et des contes, au lieu de les prendre comme des images populaires pleines de sens.
Je plains ceux qui ont l'air intelligent; c'est une promesse qu'on ne peut tenir.
Je sus toujours mieux louer que blâmer.
Je tiens que, pour l'ordinaire, c'est notre nature sincère qui s'exprime dans les songes; et songe n'est point mensonge, sinon en ce sens qu'il représente ce qu'on voudrait, non ce qui est.
Je vois que la crainte nous conduit à combattre la maladie par le régime et les remèdes; mais quel régime et quels remèdes nous guériront de craindre?
Je voyais donc l'imagination à sa naissance, l'imagination qui n'est que naissance, car elle n'est que le premier état de toutes nos idées. C'est pourquoi tous les dieux sont au passé.
L'acclamation a fait tous les maux de tous les peuples. Le citoyen se trouve porté au-delà de son propre jugement, le pouvoir acclamé se croit aimer et infaillible; toute liberté est perdue.
L'action d'écrire me paraît la plus favorable de toutes pour régler nos folles pensées et leur donner consistance.
L'action dévore la pensée.
L'action guérit cette sorte d'humeur, que nous appelons, selon les cas, impatience, timidité ou peur.
L'action théâtrale ... doit être annoncée et en quelque sorte étalée pour les spectateurs; et cela n’a point lieu pour les événements réels, que nul, peut-on dire, ne voit jamais.
L'adolescent est l'être qui blâme, qui s'indigne, qui méprise.
L'aiguille de la boussole, si bien protégée et toujours tremblante.
L'algèbre ressemble à un tunnel; vous passez sous la montagne, sans vous occuper des villages et des chemins tournants; vous êtes de l'autre côté, et vous n'avez rien vu.
L'ambitieux court toujours après quelque chose ou il croit qu'il trouvera un bonheur rare ...
L'ambitieux prend les pouvoirs comme fin, et les adore en tous ses actes.
L'âme, c'est ce qui refuse le corps.
L'amour est sans patience. Peut être il espère trop, peut être la moindre négligence lui apparaît elle comme une sorte d'insulte.
L'amour n'est pas naturel; et le désir lui-même ne l'est pas longtemps. Mais les sentiments vrais sont des œuvres.
L'argent va à ceux qui l'honorent.
L'art d'écrire précède la pensée.
L'art de persuader ne repose pas premièrement sur les preuves. C'est naïveté d'arriver avec de fortes preuves pour se faire ouvrir la citadelle; c'est faire sommation à coups de canon. L'esprit qui se voit ainsi assiégé coupe d'abord les ponts.
L'art et la religion ne sont pas deux choses, mais plutôt l'envers et l'endroit d'une même étoffe.
L'écriture, de même que le dessin, fait connaître à la fois le modèle et l'homme. Seulement, parce que le modèle d'écriture est commun à tous, ici c'est la nature de l'écrivant qui saute aux yeux en quelque sorte.
L'effet de l'ivresse est d'abolir les scrupules du sentiment.
L'égalité est un état de droit, qui exclut la comparaison des forces lorsqu'il sagit de juger d'un vol, d'un abus de pouvoir, d'une injure, et des choses semblables qui sont toujours les effets d'une inégalité de forces.
L'égoïste est triste parce qu'il attend le bonheur.
L'émotion qui annonce l'amour est une sorte d'ivresse où se trouvent mêlés la crainte et l'espoir du plaisir.
L'ennui est une sorte de jugement d'avance.
L'ennui se nourrit de ces signes qui n'ont qu'un sens et qui, par cela même, n'ont plus de sens.
L'enseignement doit être résolument retardataire.
L'épine du rosier ne griffe point, mais c'est l'imprudent qui se griffe par une manière violente de fuir.
L'erreur de Descartes est de meilleure qualité que la vérité d'un pédant.
L'erreur du critique est de chercher l'essence, et de nier l'existence.
L'erreur est facile à tous; plus facile peut-être à celui qui croit savoir beaucoup.
L'erreur propre aux artistes est de croire qu'ils trouveront mieux en méditant qu'en essayant... Ce qu'on voulait faire, c'est en le faisant qu'on le découvre.
L'esprit humain se forme non à choisir, mais à accepter; non à décider si une œuvre est belle, mais à réfléchir sur l'œuvre belle. Ainsi, en dépit de lieux communs trop évidents, il y a imprudence à vouloir juger par soi.
L'esprit ne doit jamais obéissance. Une preuve de géométrie suffit à le montrer; car si vous la croyez sur parole, vous êtes un sot; vous trahissez l'esprit.
L'expérience, c'est-à-dire le simple fait d'être au monde, nous met en présence d'apparences vraies, mais qui peuvent être la source des connaissances les plus fausses.
L'histoire de l'art est ainsi une esquisse de l'histoire de la religion. Mais ce n'est pas la religion même qui écrit cette double histoire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire