André Malraux est né à Paris le 3 novembre 1901 Décédé le 23 novembre 1976 (à l'âge de 75 ans)
Dans ces méditations et confrontations des arts du monde entier, la perspective métaphysique (l’art est un anti-destin) ne sous-tend pas les vues esthétiques de l’Auteur, elle les domine. L’art témoin n’est pas l’art interprète et inversement ; il est une autre manifestation du génie créateur de l’homme à travers les âges. Il est en effet le fruit de la créativité humaine et la métamorphose des formes à travers les millénaires assure l’immortalité de ce génie et de la culture qu’il nourrit : " cette survie (des formes) n’est pas celle d’objets émouvants, mais celle de la forme que prit la qualité du monde à travers un homme ; et cette forme, l’homme mort, commence sa vie imprévisible. " L’art est question au même titre que l’amour, la mort, la fraternité, le destin : " la seule unité de notre civilisation, c’est l’interrogation. "
A supposer que les civilisations disparues soient mortes, leur art ne l'est pas: même si l'Egyptien de l'Ancien Empire doit nous demeurer à jamais inconnu, ses statues sont dans nos musées, où elles ne sont pas muettes.
A «Qu'est-ce que l'art?», nous sommes portés à répondre: «Ce par quoi les formes deviennent style».
Au sens où le vrai visage des personnages de la tragédie grecque, même à la lecture, est leur masque de pierre, l'angélisme giottesque est celui des statues.
Au XIXe siècle une solitude particulière, féconde et contemptrice, devient liée à la vocation même de l'artiste.
Aussi loin que soit du Chinois le Chinois de paravent cher à Diderot, aussi loin que soit du Persan celui de Montesquieu, ce n'était pas hasard si le XVIIIe siècle leur reconnaissait un cousinage qu'il refusait à l'Inde et même à l'Islam.
Bien que la tapisserie demeure mineure, elle entre anthologiquement au Musée imaginaire.
Certes on connaissait les Flamands du moyen âge. Mais si l'on admirait leur couleur, on regrettait qu'elle n'eût pas été servie par un dessin digne d'elle.
Combien de fresques attribuées naguère à l'Angelico ont été peintes par ses élèves?
Comme tout homme, et pas davantage, l'artiste est inconscient de la marée d'humanité qui le porte; il ne l'est nullement du contrôle qu'il exerce sur elle, même si ce contrôle n'est que celui de ses formes et de ses couleurs.
Dans cet amour épandu sur tout le cours de la fatalité la plus chargée de sens, il est le christianisme même.
De même qu'un musicien aime la musique et non les rossignols, un poète les vers et non les couchers de soleil, un peintre n'est pas d'abord un homme qui aime les figures et les paysages: c'est d'abord un homme qui aime les tableaux.
Il n'y a plus d'art populaire parce qu'il n'y a plus de peuple.
Il y a un roman des masses, pas de Stendhal des masses; une musique des masses, pas de Bach - ni de Beethoven, quoi qu'on en dise; une peinture des masses, pas de Piero della Francesca, ni de Michel-Ange.
J'appelle artiste celui qui crée des formes ... et artisan celui qui les reproduit, quel que soit l'agrément ou l'imposture de son artisanat.
L'art est la présence dans la vie de ce qui devrait appartenir à la mort; le musée est le seul lieu du monde qui échappe à la mort.
L'art est un continent aux frontières indistinctes.
L'art ne se christianise pas en glissant le visage du Christ dans les entrelacs des nomades.
L'élaboration du style égyptien - l'expression de la rivalité qui l'oppose au monde - n'est pas dans la conquête de la fidélité de ses portraits, qu'il partage avec beaucoup d'autres, mais dans la conquête de la frontalité.
L'homme ne se construit qu'en poursuivant ce qui le dépasse.
L'homme qui n'aime pas la poésie aime les feuilletons.
L'homme s'est plus souvent lié à l'au-delà qu'il croit connaître qu'à celui qu'il sait ignorer.
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